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Aménagement d’une serre bioclimatique

serre bioclimatique
Image 1- Vue d’ensemble de la serre

Le souhait de prolonger la saison de production de légumes au potager, et l’envie de tenter de cultiver des plantes potagères ou fruitières exotiques née des voyages en Asie du Sud-Est m’ont amené à envisager d’aménager une serre bioclimatique (voir mes résultats sur la culture de la chayotte).

Bioclimatique parce qu’il était inenvisageable, après avoir il y a 10 ans créé une piscine naturelle et un puits canadien, remplacé l’année dernière la chaudière à gaz par une pompe à chaleur air-eau, de contribuer de quelque manière que ce soit à accroître la production de gaz à effet de serre pour satisfaire mes envies d’exotisme.

Déjà que rien que la bâche plastique de la serre a dû largement y contribuer, il n’était pas question de chauffer la serre autrement que par des moyens écologiquement et économiquement acceptables. La serre bioclimatique décrite ci-dessous revient à environ 1100€ (hors systèmes d’acquisition de données)

Une serre tunnel par défaut, mais un choix optimisé

Une serre bioclimatique est en règle générales adossée à un mur «lourd» qui accumule la chaleur la journée pour la libérer la nuit, ou partiellement enterrée pour récupérer la chaleur du sol. L’absence de mur bien exposé pour appuyer une serre en verre, la configuration du terrain, le besoin d’une surface significative et la nécessité de maîtriser les coûts d’aménagement m’ont orienté le choix vers une serre tunnel agricole (Image 1 et 2). Celle-ci a une surface de 24m2 (6x4m). Elle est orientée nord-sud pour bénéficier des premiers et derniers rayons du soleil.

serre bioclimatique
Image 2 – Vue de l’intérieur de la serre (le bidon du fond est destiné à l’arrosage)

Pour limiter les déperditions de chaleur en phase nocturne ou par temps froid, la serre a été couverte par une double bâche en plastique de 200microns  enfermant entre elles deux couches de plastique à bulle de 10mm. L’inertie thermique nécessaire pour maintenir la serre hors gel est apportée par un triple dispositif :

  • Une tranchée triangulaire de 60 x 60 x 60 cm sur toute la longueur de la serre remplie d’environ 1m3 (1,9 tonne) de gravier de récupération (image 3). Le gravier est isolé du sol par du polystyrène extrudé de 20mm, destiné à éviter que de la terre se mélange au gravier et à limiter les pertes de chaleur vers le sol.
  • au fond de la tranchée de gravier est disposé un tuyau en PVC percé de diamètre 100 (Image 3) sur lequel est connecté un extracteur de serre (qui sera à terme alimenté par un capteur solaire) de 30w et 180m3/h (approximativement 90m3/h utiles compte tenu des pertes de charge) qui pulse l’air sous le gravier
  • 9 fûts polypropylène de récupération de 220 litres peints en noir et remplis d’eau (soit environ 2m3) posés sur le gravier. En l’absence de couvercle, les bidons sont fermés par un film de polyane noir.

L’eau des bidons est chauffée par la chaleur de la serre dans la journée. A partir d’une température de 20°C dans le haut de la serre, l’air est prélevé et envoyé dans la tranchée de gravier qu’il réchauffe ainsi que l’eau des fûts.

Les bidons sont recouverts par une paillasse en céramique (carrelage en solde) de 50cm de large sur la longueur de la serre. Cette paillasse est destinée à recevoir les barquettes de semis et les pots de repiquage qui bénéficieront directement de la chaleur emmagasinée dans l’eau des fûts. Des mesures de température dans un dispositif expérimental (boite jaune sur l’image 4) montrent que la température est environ de 2°C supérieure à celle de la serre.

Serre bioclimatique – Principes de fonctionnement et données techniques

Remarque préliminaire : les mesures de chaleur sont habituellement données en joules. Elles ont été dans la suite de ce paragraphe exprimées en KW pour faciliter la compréhension du dispositif.

serre bioclimatique
Image 3 – Le tunnel de gravier avec le tuyau de diffusion de l’air chaud

 

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Image 4- Les bidons d’eau et la paillasse

Le gravier et l’eau des bidons accumulent la chaleur dans la journée et la restituent quand la température de la serre est inférieure à leur température. Il est impossible de «chauffer» la serre par ce principe, l’objectif premier étant de la maintenir au minimum hors gel.

Lorsque l’air du haut de la serre (partie non ventilée) dépasse 20°C, un complément de chaleur est apporté au dispositif  via le gravier (de l’ordre de 36w/h/°C pour 90m3/h, soit 360w/h pour 10°C de différence de température) grâce à l’extracteur piloté par un thermostat.

La «réserve» de chaleur créée par ce dispositif  est calculée de la manière suivante :

  • l’eau permet de stoker 1,16kw/°C et par m3 soit 2,3 kw/°C pour les 9 bidons
  • le gravier sec permet de stocker 0,4 Kw par tonne, soit pour la tranchée environ 0,7kw/°C
  • au total le dispositif permet de stocker 3 kw par °C.

Si la différence de température entre l’air du haut de la serre et l’eau des bidons et du gravier est de 10°C, l’air apporte 300w/h de chaleur supplémentaire. Pour une différence de température entre le dispositif de stockage et l’air de la serre de 10°C, le dispositif serait en mesure de libérer 30 kw soit sur 10h par exemple 3 kwh.

En réalité, les mesures effectuées (voir paragraphe suivant) montrent que la vitesse de diffusion de la chaleur ne permet pas de mobiliser cette quantité d’énergie,  vraisemblablement du fait d’une surface d’échange insuffisante entre l’eau des fûts et l’air de la serre.

Des essais seront fait quand les conditions s’y prêteront pour vérifier si la mise en route du ventilateur en période nocturne ne permet pas d’améliorer la capacité de diffusion de la chaleur stockée grâce au brassage de l’air autour des fûts.

Les mesures données dans le paragraphe suivant permettent de vérifier la pertinence de ces évaluations.

Serre bioclimatique – premières mesures

Conditions de mesure

Les enregistrements de température tracés sur le graphique 1 ont été réalisés avec des thermomètres enregistreurs Elitech RC4. Ces enregistreurs ont une capacité d’enregistrement de 16000 données. Les mesures ont été réalisées toutes les 5 minutes à 4 endroits différents de la serre bioclimatique :

  • Extérieur de la serre, à environ 1,80 m de hauteur
  • Eau du bidon central à peu près au milieu de la hauteur
  • Zone 1 : à proximité des futs à environ 50cm du sol
  • Zone 2 : au milieu de la serre à environ 1,4m du sol

Les données ont été ensuite transférées dans Excel. Pour les rendre mieux lisibles, elles ont été lissée par la méthode des moyennes mobiles sur 12 valeurs (soit une heure glissante). Cette méthode élimine les fluctuations de température de courte durée non significatives et facilite ainsi la lecture des données.

Résultats

serre bioclimatique résultats
Graphique 1 – données de températures dans 4 zones différentes de la serre

Le graphique ci-dessus  identifie 7 périodes (P1 à P7) sur la durée de cette campagne de mesures.

P1 : c’est une période nocturne de baisse de température à l’extérieur (jusqu’à -0,3°C). Le dispositif d’accumulation de chaleur a perdu 4,7°C, ce qui correspond au transfert dans la serre de 14,1kw. Cette diffusion de calories a permis de maintenir la température de la serre à approximativement 3 °C sur les 2 zones

P2 : c’est une période d’accumulation de chaleur. La température extérieure est montée à 16,5°C et celle de la serre (zone 2) à 25°C. La température de l’eau des fûts a grimpé de 4,1°C ce qui équivaut à un stockage de chaleur de 12,3kw. A noter que la proximité des futs limite l’augmentation de la température de la zone 1

P3 : la chaleur accumulée dans les fûts en P2 dans la journée qui précède est intégralement libérée au cours de la nuit, ce qui permet de maintenir la serre (Zone 1 et 2) à 4,8°C pour une température extérieure minimale de 2,2°C

P4 : la première partie de la période est une période de fort ensoleillement au cours de laquelle les fûts ont accumulé 11,25kw dont ils ont restitué 10,6 kw la nuit suivante, maintenant la température minimale de la serre à 5,4°C pour une température minimale extérieure de 2,8°C

P5 : c’est une période comparable à P4, mais avec des effets moins marqués du fait de températures nocturnes plus élevées

P6 : la phase diurne est comparable à P5, avec un réchauffement des fûts de 2,7°C, mais les 8,5 kw accumulés ne sont pas restitués la nuit suivante du fait d’une température nocturne élevée (proche de 14°C , mais un dysfonctionnement de l’appareil de mesure ne permet pas de s’en assurer)

P7 : les mesures confirment les effets observés sur les périodes précédentes.

Conclusion

Ces résultats sont très partiels et demandent à être confirmés, notamment dans des conditions climatiques plus rigoureuses. Ils montrent cependant que les effets d’accumulation et de restitution de chaleur dans une serre bioclimatique de type tunnel sont significatifs et mesurables.

Ils montrent aussi que la proximité des fûts ne permet pas d’identifier une zone où l’effet de libération de la chaleur du dispositif est significativement différents de l’ensemble de la serre, les enregistrement montrant que la température de la zone 2 est peu différente de celle de la zone 1 en période nocturne. Par contre la proximité des fûts limite la montée de température de la zone 1 de manière significative (jusqu’à 7°C en période 1) sans que l’intérêt «agronomique» de cet effet ne soit encore appréhendé. Il n’y a donc pas lieu de distinguer des zones de culture spécifiques dans la serre contrairement à ce qui avait été envisagé initialement pour cultiver des plantes plus exigeantes en chaleur.

Perspectives

Une première amélioration va porter sur l’amélioration de la diffusion de la chaleur accumulée dans le gravier et les fûts par brassage de l’air, ce qui nécessite de modifier le dispositif de pilotage de l’extracteur d’air, actuellement orienté uniquement sur la récupération de chaleur en journée pour le faire fonctionner en période nocturne.

L’électricité nécessaire pour faire fonctionner le ventilateur sera produite par un panneau solaire associé à une batterie pour un fonctionnement nocturne.

Enfin, la prochaine réflexion technique autour de ce projet de serre bioclimatique portera sur la régulation de l’ensemble du dispositif via un système électronique développé autour d’une carte Arduino.

Et bien sûr il ne faut pas oublier l’objectif premier de ce projet, compléter utilement le potager. Des salades, des pommes de terre et des courgettes sont déjà en terre à titre de 1er essai. Des tomates, aubergines et poivrons précoces sont en cours de croissance et seront repiqués courant mars. Enfin, des graines de pitayas (fruits du dragon) ont été mises en germination, sans oublier tout un ensemble de semences diverses ramenées du Vietnam dont la culture sera tentée en partie dans cette serre.

N’hésitez pas à faire des commentaires si le sujet vous intéresse (ce qui est sûrement le cas si vous êtes arrivé(e) jusque là !)

 

 

 

3 comments

  1. Sylvain says:

    bonjour
    Je n’ai pas tout compris mais je pense que le projet est intéressant et bien avancé
    Encore une fois très impressionnant
    Bravo

  2. Gilbert says:

    Une serre à Bergerac….c’est la cause du réchauffement climatique !? Intéressant le projet, en tous cas. Hâte de manger le fruit du dragon après les escargots.
    A bientôt

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